La collection permanente de l'Espace Automobile MaTRA
L’association entre Matra et Romorantin* commence à l’heure où la firme débute son aventure automobile, en
1964**. C’est à cette date que la marque rachète la première voiture de série à posséder un moteur central : le Djet. Une voiture produite à Romorantin depuis 1962 par René Bonnet. Ce
rachat marque le départ d’une grande aventure avec l’innovation comme moteur !
Pénétrer dans l’Espace automobile Matra, c’est donc s’offrir une promenade dans l’histoire contemporaine de l’automobile et du sport automobile. Car il ne faut pas oublier qu’outre ses succès
commerciaux, Matra c’est aussi une filière « sport » qui s’est construite un magnifique palmarès en une décennie.
Entrons maintenant dans le musée !
Le musée permanent est construit autour de la marque Matra, offrant plusieurs univers à
découvrir : la compétition, les moteurs, les voitures phares de la marque et bien sûr l’innovation.
Un grand nom de la course automobile
Le saviez-vous ? Matra est le premier constructeur français à avoir été titré en F1 ! Et
forte de ces succès en monoplace, la firme s'est également forgé un beau palmarès en endurance. Dans la partie du musée consacrée au sport, les
voitures présentées diffèrent par leur taille, leur forme, leur modernité, leur catégorie, mais elles sont toutes peintes du même bleu, donnant au hall d'exposition une uniformité étonnante. En déambulant dans le musée, on peut ainsi admirer la MS 80 championne du monde de
formule 1 en 1969 avec Jacky Stewart au volant ou les MS 670 trois fois lauréates au 24 h du Mans avec Henri Pescarolo. Ce sont les fleurons de la firme qui a engrangé quelques 124 victoires
entre 1965 (première victoire de Jean-Pierre Beltoise) et 1974 (le troisième succès consécutif de la marque aux 24h du Mans).
L'aventure sportive de Matra débute en 1965 avec la création par Jean-Luc Lagardère de
Matra-Sport et avec ces mots : "La Formule
3 pour apprendre, la formule 2 pour s'aguerrir, la formule 1 pour s'imposer."
L'ascension de la marque française est fulgurante. 1965, le 29 mai, premier engagement au
Grand Prix F1 de Monaco. Un an plus tard, à Monaco toujours, c'est au volant d'une F2 lestée que Johnny Servoz-Gavin effectue les premiers tours de roues en F1 de
Matra***. En 1968, ce sont les premiers succès en F1 de la firme française. Ses pilotes sont Jean-Pierre Beltoise
(qui ne remporte aucune victoire) et Jackie Stewart. Ce dernier, avec 4 victoires, se classe deuxième au championnat du monde avant de décrocher le titre l'année suivante.
En effet, en 1969, Matra et Stewart (via la structure Matra International, qui était en réalité la future écurie
Tyrrell) remportent le titre avec le V8 Ford. La clef de ce succès : la MS 80
qui fut la meilleure voiture de son époque et la meilleure monoplace Matra grâce à son équilibre, sa maniabilité et sa tenue de route. Malheureusement, sa carrière
est éphémère. La faute au règlement qui évolue : les réservoirs souples deviennent obligatoires, or, le châssis-coque cloisonné (la spécialité Matra) ne peut les accueillir. La MS 120 qui
remplace la MS80 ne rencontre pas les mêmes succès.
A partir de 70, pour des raisons politiques et de prestige (le rêve de Lagardère était de faire de Matra l'équivalent
français de Ferrari), Lagardère exige que le moteur utilisé soit le V12 Matra. Une décision qui entraîne le départ de Stewart et Tyrrell à l'intersaison. Ils ne croyaient pas en ce moteur,
sans doute à juste titre puisque les performances des "Matra-Matra" ont chuté dès 1970.
Décennie 70 : Matra continue son aventure en F1 mais se concentre également sur les sport-prototypes avec la MS 650 équipée du moteur V12. Pilotée par le trinôme Beltoise-Depailler-Todt (oui, il
s'agit bien de Jean Todt, l'actuel président de la FIA !), cette voiture a remporté le Tour de France automobile en 1970. Puis le Tour de France automobile en 1971 avec Rives et
Larrousse.
Prochaine étape : remporter les 24h du Mans ! La firme est présente en Endurance et au 24h du Mans depuis plusieurs années. D'ailleurs,
la marque s'était illustrer pendant l'édition 1968 grâce à un exploit de Pescarolo qui roula de nuit et sous la pluie sans essuis-glaces. Ce 1er fait d'armes de la
marque en endurance a d'ailleurs énormément contribué à la popularité de la marque en
France. Il lui faut maintenant une victoire. Et c'est chose faite en 1972
grâce à Graham Hill et Henri Pescarolo (devant Cevert-Ganley, eux aussi au volant d'une Matra MS 670). En 1973, c’est la MS 670 B pilotée par Larrousse et Pescarolo qui remporte l’épreuve. Le duo
Jabouille-Jaussaud finit 3ème. L’année suivante, le tandem Larrousse-Pescarolo remporte à nouveau la course. Jabouille, cette fois associé à Migault, termine à nouveau 3ème.
Les objectifs ayant été atteints, Jean-Luc Lagardère annonce au début du mois de décembre 1974 le retrait de Matra de la compétition.
L'histoire du succès de Matra offre un écho particulièrement opportun à la situation actuelle de la F1 française, qui pour la première fois depuis des lustres, n'a plus
d'écurie en F1. Au milieu des années 1960, la place de la France dans le sport automobile était proche du néant. C'est à Matra que l'on doit d'avoir redonné vie au sport auto français. Même si
leur implication en tant qu'écurie a cessé en 1974, ils ont créé un élan qui a perduré bien au-delà. Ce qu'il manque au sport auto français aujourd' hui. Tout simplement un nouveau Jean-Louis
Lagardère.
L'espace moteurs
L’un des grands acteurs du succès de Matra fut son moteur V12. Etant bien trop jeunes, nous n’avons pu le voir en action, mais nous avons pu l’entendre lors de la
visite du musée, puisqu’une pièce entièrement dédiée au moteur nous entraîne sous le capot au doux son du V12 Matra…
Les moteurs présentés sont énormes, surtout le moteur « plat » ! Vraiment impressionnant…
Échappements, pistons, bielles, soupapes, et bien d’autres pièces sont exposées autour des immenses blocs moteurs, dans une atmosphère intime créée par l’obscurité de la
pièce.
Un détour à ne pas manquer.
Succès commerciaux et Espace dans tous ses états
Avant de découvrir les secrets de Matra et ses innovations à l'étage inférieur, nous
faisons un dernier petit tour dans le hall où se trouve entre autres une Matra « décorée » par Sonia Delaunay puis nous terminons cet étage par l’exposition des grands succès commerciaux de la
marque. Rancho, Murena ou Baguerra, les voitures ont vieilli, c’est indéniable. Nous sommes bien quelques décennies en arrière. Détail marquant pour nous : la Baguerra est équipée de 3 sièges à
l’avant.
Le plus grand succès de Matra ne se trouve pas dans cette salle. Il s’agit bien évidemment de l’Espace qui a été commercialisé par Renault et produite à des milliers
d’exemplaires non loin du musée. C’est d’ailleurs un Espace bleu nuit, signé par tous les collaborateurs Matra qui accueille le visiteur, comme pour rappeler la gloire passée de l’usine. Ce n’est
pas encore le temps des regrets, nous avons encore des choses à voir !
L'espace innovation
Direction le sous sol du musée, là où sont présentés les projets jamais commercialisés de
la marque.
Dès l'entrée dans la pièce nous comprenons les mots clefs de cette pièce : Imagination et Inventivité. En effet nous sommes accueillies par
l'Espider (1998) qui n'est autre qu'une Espace cabriolet ! Fruit d'un délire de designers cette voiture n'a, bien sûr, jamais été produite mais on le regretterait presque tant elle est cocasse. Qui sait ? Peut-être aurait-elle pu séduire des familles nombreuses adeptes
de belles voitures sportives.
Belle et sportive, oui ! Mais elle n'est pas la plus performante des Espace présentes du musée. En effet, l'Espace F1 (1994) est assurément la meilleure à ce jeu là. Prenez un châssis de F1 (en l'occurrence la Williams de 1994), son
moteur (V10 Renault 800cv), ses pneus et remplacez la coque par l'habitacle d'une Espace...
Voici sous nos yeux ébahis la seule F1 familiale connue !
Comment ne pas citer la P18 (1981), le premier concept-car monospace ou la P40 (1990), tentative avortée d'un monospace 4x4 qui a un air de ressemblance avec les SUV
actuels leader du marché ?
Changeons de dimension. Tout le monde connait la Smart, mais saviez-vous que dès 1992 Matra
avait conçu une petite citadine électrique et à 95% recyclable pouvant se garer à
peu près n'importe où grâce à un ingénieux système ? Son nom : la Zoom !
Pour terminer ce musée, il manque la tristement célèbre Avantime. Ce coupéspace de Renault au design futuriste n'a pas su
trouver son marché. L'arrêt de sa production entraine la fermeture de l'usine de Romorantin et précipite la fin de Matra. Fin brutale pour cette petite marque qui a toujours eu de l'avance sur
son temps… et même trop.
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* Romorantin-Lanthenay, capitale de la Sologne.
** Matra naît en 1945. Signifiant Mécanique, Aviation, TRAction, la marque
centre son activité sur l’armement jusqu’en 1964.
***le règlement de l'époque autorisait des F2 lestée à participer aux courses de F1.
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